domingo, 23 de abril de 2023

Faut-il aller vers la mort en dansant?


"L'important n'est pas d'être heureux mais d'être digne de son bonheur"  Emmanuel Kant.

2 mai 1942, Vienne

Chère Trude,

J'espère de tout coeur que tu te portes bien. Je t'envoie des nouvelles de la vieille Europe, d'Outre-Mer comme on dit toujours.

J'ai l'air de plaisanter mais l'heure n'est pas à la plaisanterie. Tu as probablement bien fait d'émigrer vers des cieux plus propices. Ici, les nôtres disparaissent peu à peu. J'entends, notre peuple ainsi que nos cieux. Je ne comprends pas comment notre beau continent a pu en arriver là. Les nazis sont partout et nous préfèrent morts que vivants. Si encore ils nous assassinaient clairement, l'on pourrait pleurer nos morts et leur bâtir une tombe. Non, ici, ils disparaissent dans de prétendus camps dont on sait, somme toute, peu de choses.

Je me demande si, depuis les Etats-Unis, tu n'en sais pas plus que nous, au fond.

Comment vois-tu les choses? Et comment évolue ta vie là-bas? Y es-tu adaptée? Je sais qu'ils sont plus modernes mais je ne pense pas que ça te gène, tu t'es toujours gaussée des "simagrées religieuses de notre peuple", comme tu disais toujours. J'espère donc que tu as trouvé du sens outre-atlantique.

Je me réjouis de te lire, en tout cas.

J'ai une merveilleuse nouvelle à t'annoncer (enfin, j'espère!) et c'est par cette note optimiste que je terminerai ma missive: j'attends un enfant! C'est une grande joie pour nous, Viktor, moi et nos familles respectives, de penser à cet être en devenir à qui nous transmettront nos valeurs.

Je t'embrasse

Tilly.

15 juin 1942, Vienne

Chère Trude,

Je suis heureuse de voir combien tu aimes ton nouveau pays. Il s'agit là d'une adaptation-éclair et assez extraordinaire. Les rues de Vienne ne te manquent-elles jamais? Même si je sais que nous sommes différentes sur bien des points, je me demande s'il est possible de renoncer réellement à nos souvenirs d'enfance, notre beau continent (bien qu'à feu et à sang), cette merveilleuse ville impériale avec ses rues étroites, son odeur à pâtisserie. Quoi qu'il en soit, on nous  a proposé un visa pour les États-Unis, figure-toi! C'est une grande nouvelle. Viktor a la chance d'être renommé et il aura ainsi l'occasion de continuer son labeur dans un nouveau pays et moi, d'être à ses côtés et d'éduquer notre enfant qui naîtra dans six mois. Toutefois, il y a une ombre au tableau, c'est que ma belle-famille, mon cher beau-père, cet homme qui a tant fait pour notre communauté, aucun d'eux ne pourra nous accompagner. Je t'épargne les considérations administratives et je te dis d'ores et déjà que sa santé n'y résisterait pas.

Je commence à faire les bagages, je sens que le danger arrive et que nous pourrions disparaître d'un jour à l'autre, sans crier gare, d'un claquement de doigt (c'est gens-là ne s'embarrassent pas de scrupules) mais je suis tiraillée car Viktor, lui toujours si fort, semble voûté, épuisé et perdu.

J'espère que d'ici quelques mois, notre voyage sera arrangé; que notre exode, comme je dis en blaguant (mais ça ne fait rire que moi, toi aussi, peut-être?), aura été moins long que celui des Hébreux à la sortie d'Égypte.

Donne-moi vite des nouvelles,

Je t'embrasse

Tilly

27 juillet 1942, Vienne

Chère Trude,

Tu me sermonnes et je te comprends. Viktor te semble archaïque et démodé. Il faut aller de l'avant et changer d'airs, c'est une question de vie ou de mort. Tu ne crois pas si bien dire. Cependant, mon époux, ce savant, cet homme en quête de sens, ce professeur en questionnement, est tiraillé, lui si respectueux de Dieu et des nôtres. Tu me grondes et me dis que tout nous sourit et que ce visa est une opportunité unique qui nous est octroyée, et tu badines avec nos traditions millénaires en disant que c'est un cadeau de Dieu (ce Dieu, que tu écris en minuscule et auquel tu ne crois pas) que de pouvoir fuir.

Fuir, voilà où le bat blesse. Viktor ne veut pas fuir. Il dit que sans morale, un être humain devrait mourir. Quiconque met son éthique sous son bras, ignore ses parents, son peuple, ses ancêtres, ne mérite pas de vivre. Il vit, bien sûr, mais comme un crapaud, comme un chien, sans conscience ni sens, sans essence. Il vivote. "Comment abandonner les miens comme si j'étais un priviliégié? Ne pas remplir son devoir, c'est ne pas pouvoir se regarder dans le miroir le matin. Moise a sacrifié ses privilèges d'enfant princier pour sauver son peuple. Je ne vais sauver personne mais, au moins, je ne me serai pas échappé. Navré, Tilly, mais ce visa m'apporte plus de peines que de bien. L'accepter, c'est piétiner mon éthique de vie; ne pas l'accepter, c'est probablement mourir. Il n'y a rien d'héroïque là-dedans, juste le devoir envers les miens, envers papa qui est âgé et invalide".

Ce père, toujours ce père, cette référence et cette gratitude. C'est tout à l'honneur de mon époux, c'est pour cela que je suis tombée amoureuse de lui... et c'est probablement aussi pourquoi je le perdrai.

Et là, je n'ai même plus supplié pour notre enfant ou pour moi. À quoi bon? Je sais qu'il nous aime mais il a besoin de se voir comment quelqu'un qui a pris la décision la plus noble, quoi qu'inutile, comme Léonidas qui a sacrifié son corps et son armée pour son peuple.

Je n'ai plus supplié pour nous parce que je me suis imaginée, dans le futur, outre-mer, là-bas, comme toi, à l'abri; j'ai visualisé notre enfant nous interrogeant sur ses grands-parents. Peut-être sera-t-il un enfant ingrat (ça ne manque pas dans ces contrées, d'après toi) se fichant comme d'une guigne de sa lignée, auquel cas nous aurions échoué dans notre mission parentale. Viktor et moi sommes sûrs qu'engendrer sans éthique équivaut au désastre et à la perdition. Je suis sérieuse quand je dis que je préfèrerais notre enfant mort plutôt que de le voir immoral. Il est de notre devoir, du moins nous semble-t-il, de donner au monde des êtres doués de conscience. Peut-être sera-t-il, au contraire (et cela nous enchanterait), imbu de cette tradition qui nous a construits depuis des millénaires et là, que lui dirons-nous?: "Cher enfant, nous avons fui en abandonnant tes grands-parents à leur sort, nous n'avons pensé qu'à toi, rien qu'à toi". Et il nous dira, s'il ressemble à son père (et il lui ressemblera): "À quoi bon vivre si le sens même de mon existence est intrinsèquement lié au sacrifice de mes ancêtres? Ils sont morts pour que je puisse naître? En quoi ma vie aurait-il plus de prix? Et qui êtes-vous, vous mes parents, pour avoir jugé du bien-fondé de cette décision? Vous vous êtes pris pour Dieu? Vous n'avez pensé qu'à vous, à votre plaisir, votre confort, votre misérable existence". Que dire à ça, Trude? Tu en rirais sûrement mais, moi, j'en serais mortifiée. Comment regarder sa progéniture en face lorsqu'on subsiste sans dignité?

J'ai donc supplié avec un autre argument que je pensais imparable: son livre. "Si on ne part pas, jamais tu ne pourras écrire ton livre, jamais tu ne chercheras ni ne trouveras le sens de la vie parce que ton oeuvre sera détruite, confisquée, anéantie. Ta mission est de vivre pour faire passer  le message, pour aider les gens à trouver leur sens". Et là, il m'a regardé dans les yeux et a répondu "Tilly, comment pourrais-je prêcher le sens de la vie alors que j'aurais fui mes responsabilités? Je ne serai qu'un de ces lâches professeurs d'université pleurnichant sur son sort et content, pourtant, d'être en vie, de parler anglais et de jouer au base-ball, mais serais-je vraiment un homme digne de ce nom? Si je pars, si nous partons pour les Etats-Unis, je devrai renoncer à ma mission, à mon livre, parce que je ne pourrai plus jamais écrire ni aider qui que ce soit depuis la lâcheté, l'égoïsme, l'ignorance. Tu me disais l'autre jour que, quoi que je fasse, je resterais un privilégié. Je n'en ai que faire. Vois-tu,  on ne prêche que par l'exemple, pas par les mots ou les livres, un être humain est conforme à ses principes, ils ne sont pas au-dessus de nous, ils nous habitent et nous fabriquent. Seul Dieu nous regarde de haut, nous sommes au même niveau que nos idées et que nos choix.- Mais ce sont les livres qui véhiculent cet exemple, rétorquai-je, ces oeuvres que les allemands brûlent parce que la vérité les dépasse. Si tu n'écris pas, la mémoire de notre peuple et de Jehovah ne persistera pas". Il eut alors une réponse kantienne contre laquelle je ne pus rien: "L'important n'est pas d'être heureux mais d'être digne de son bonheur, Tilly". 

C'est là que j'ai su avec certitude que cet homme que je suis prête à aimer, quand bien même se sentirait-il indigne de vivre, avec sa mesqinerie, sa couardise, son égoïsme, son héroïcité aussi, eh bien cet homme ne pourra jamais m'aimer si je le force à aller contre ses principes. Il ne s'aimerait même pas lui-même et regarderait notre enfant en biais, pensant que, dans le fond, ça en a peut-être pas valu la peine. Il cesserait de me respecter, ça j'en suis persuadée, et je ne pourrai le supporter. Pour quoi vivre si celui qui compte le plus pour toi ne te respecte plus? Et il ne s'agit pas de ce crétin de Jules César dont la femme ne pouvait même pas être soupçonnée (je t'entends d'ici!). Il s'agit d'autre chose: le concept que Victor possède de moi  s'évanouirait à l'instant même où je me trahirais moi-même.

Alors, ce visa, cette permission tant attendue, eh bien, Trude, c'est un piège, une tentation pour tester notre loyauté et notre courage et contre ça, que puis-je faire? Tu me décris ta vie en banlieue, près du campus  où tu habites. ta vie sociale et tes inquiétudes d'américaine. J'ai eu la faiblesse de nous imaginer là, avec notre fils, moi, le bénissant, aimant ses cheveux, ses joues, l'observant, le nourissant... pleurant lors de son départ vers un autre femme que moi. Cela n'est réellement que poussière. Si je possède cette pulsion de vie (comme dit Freud, qui dit beaucoup de bêtises), je possède aussi la pulsion de dignité, en harmonie avec celle de Viktor, dont j'ai choisi d'épouser le sort.

J'ignore donc ce qu'adviendra de nous et de notre bébé. Comment doit-on vivre? Comment doit-on l'élever vers le divin, vers le haut? Et si l'on y arrive pas, comment supporter l'imperfection, le manque d'excellence? Tu me répètes que les américians que tu fréquentes (je ne voudrais pas généraliser) voient la vie de façon très simpliste: leur bonheur, leur confort et leur liberté. Quel type de chemin est-ce? Qu'est-ce que le bonheur? Le confort est un puits sans fond et la liberté... c'est celle de prendre le droit chemin, certainement pas de jouer à sauve qui peut! Nous vivons des temps troublés, fermer les yeux à la misère nous est impossible. Viktor est allé à la synagogue pour se recueillir, il en est revenue ne me disant qu'une voix lui avait scandé "Tu honoreras tes parents". Que dire à ça? Comment pourra-t-on dire à notre enfant qu'il doit nous honorer si nous ne l'avons pas fait nous-mêmes?

Bien des rumeurs circulent sur ce qu'il advient des nôtres et de tous ceux qui se dressent contre les nazis. L'une de ces histoires est belle et tragique. On raconte qu'une ancienne danseuse célèbre est morte en dansant dans ces fameux camps. Un allemand l'aurait reconnue et lui aurait demandé de danser pour lui, ce qu'elle fit (avait-elle le choix?). Ce faisant, elle retrouva son humanité (du moins, je préfère le croire) et s'approcha du soldat, saisit son arme et le tua. Les autres soldats lui tirèrent dessus, évidemment, mais je ne peux m'empêcher de penser que sa mort a été humaine et digne. Je veux dire quelle s'est rebellée, elle a retrouvé une étincelle de liberté, elle n'est pas allée à l'abattoir comme un agneau désarmé et soumis. C'est la vision que tu as de nous depuis tes contrées. Tu nous vois comme des brebis dociles, un troupeau tellement ancré dans sa tradition qu'il ne peut se défaire pour fuir et survivre. Tu as sans doute raison mais qu'y puis-je? Cette danseuse a-t-elle bien agi? Faut-il aller vers la mort en baissant la tête face au créateur, ou bien tenter d'y échapper en slalomant vers un autre pays (quitte à perdre notre essence)  ou encore s'y acheminer la tête haute, en dansant? Probablement est-ce l'unique question qui compte vraiment, puisque la mort est notre unique certitude en ce bas monde.

J'attends de tes nouvelles, comme toujours.

Bien à toi

Tilly


Note de l'auteur: Tilly Grosser, épouse du célèbre psychiatre Victor Frankl, fut envoyée dans un camp de concentration en septembre 1942 et n'a pas mené sa grossesse à terme. Elle mourut  lors de la libération du camp de Bergen- Belsen, écrasée par la multitude. Sa belle-famille a  entièrement disparu dans les camps de concentration. Seul son mari a survécu et a poursuivi sa recherche sur le sens de la vie.




Como Dios manda

 "Lo importante no es ser feliz, sino ser digno de felicidad"   Emmanuel Kant.

2 de mayo del 1942, Viena

Querida Trude:

Espero de todo corazón que estés bien. Te mando noticias del viejo continente, de ultra mar como siempre decimos. 

Parece que me estoy mofando pero, poca broma con el tema. Es probable que hayas hecho bien en emigrar hacia cielos más propicios.  Aquí, los nuestros van desapareciendo poco a poco. Me refiero a nuestro pueblo, y también a nuestros cielos. No entiendo como nuestro bello continente ha podido llegar a este punto. Los nazis están por todas partes y nos prefieren muertos, antes que vivos.  Si nos asesinaran claramente, podríamos llorar nuestros muertos y erigirles una tumba. No, aquí desaparecen en pretendidos campos de los cuales sabemos más bien poco. 

Me pregunto si, desde Estados Unidos, no sabrás más del tema.

¿Cómo lo ves? ¿Y cómo va tu vida allá? ¿Te has adaptado? Sé que son más modernos pero no creo que te moleste, siempre te has mofado de "los remilgos religiosos de nuestro pueblo", como solías decir. Espero que, allende, hayas encontrado sentido a todo esto. 

Me alegro de poder leerte, en todo caso.

Tengo una noticias maravillosa que contarte (¡ por lo menos, eso, espero!) y es por esta nota optimista que acabo mi misiva: ¡espero a un niño! Es una gran alegría para todos nosotros, Viktor, yo y nuestras familias respectivas, de pensar en esta futura criatura a quien trasmitir nuestros valores. 

Un abrazo

Tilly.

15 de junio del 1942, Viena

Querida Trude:

Estoy contenta de ver que te gusta tu nuevo país.  Se puede decir que es una adaptación  relámpago y extraordinaria.  ¿No echas nunca de menos a las calles de Viena? Incluso si sé que somos  diferentes en muchos aspectos, me pregunto si es posible de renunciar realmente a nuestros recuerdos de la infancia, nuestro bello continente (aunque asolado), esta magnífica ciudad imperial con sus calles estrechas, su olor a pastelería. Sea como sea, nos propusieron un visa para Estados Unidos, ¿te lo puedes creer? Es una gran noticia. Viktor es afortunado de ser conocido  y tendrá la oportunidad de seguir con su labor en un país nuevo e yo, de estar a su lado y de educar a nuestra niño que nacerá dentro de seis meses. Sin embargo, hay una sombra en esta estampa, es que mi familia política, mi querido suegro, este hombre que tanto hizo por nuestra comunidad, ninguno de ellos nos podrá acompañar. Paso de explicarte las consideraciones administrativas y te digo ya que su salud no se resistiría. 

Empiezo a hacer el equipaje, siento que el peligro acecha y que podríamos desaparecer de un día para otro, sin previo aviso, como en un abrir y cerrar de ojos (esta gente no tiene escrúpulos) pero me siento dividida porque Viktor, él siempre tan fuerte, parece sometido, rendido y perdido.

Espero que, de aquí a unos meses, nuestro viaje esté arreglado; que nuestra éxodo, como le llamo bromeando (pero sólo me hace reír a mi, me temo) habrá sido menos largo que él de los Hebreos saliendo de Egipto.

Envíame noticias tuyas lo más pronto posible.

Un abrazo,

Tilly

27 de julio de 1942, Viena

Querida Trude:

Me sermoneas y te comprendo. Viktor te parece tan arcaico como rancio.  Hay que seguir adelante y cambiar de aires, es cuestión de vida o muerte. Ya me lo creo. No obstante, mi esposo, este sabio, este hombre en busca de sentido, este profesor que siempre está cuestionándose, está dividido, él tan respetuoso de Dios y de los nuestros. Me echas la bronca y me dices que todo nos sonríe y que este visado es una oportunidad única que nos otorgan, y te mofas de nuestras tradiciones milenarias diciendo que es un regalo de Dios (este Dios, que escribes con minúscula y en quien no crees) el poder huir.

Huir, allí es donde duele. Viktor no quiere huir. Dice que sin moral, un ser humano debería morir. Quien sea que acalle su ética, ignore a sus padres, a su pueblo, a sus antepasados, no se merece vivir.  Esta persona vive, desde luego, pero sin esencia. Va tirando. "Cómo abandonar a los míos, como si fuera un privilegiado? No cumplir con su deber, es no poder mirarse al espejo por la mañana. Moisés sacrificó sus privilegios de niño-príncipe para salvar a su pueblo. Yo, no voy a salvar a nadie pero, por lo menos, no habré escapado. Lo siento, Tilly, pero este visado me trae más penas que alegrías. Aceptarlo, es pisotear mi ética de vida; no aceptarlo, es probablemente morir. No hay nada heroico allí, sólo el deber para con los míos, para con papa, que es anciano e inválido". 

Este padre, siempre, esta referencia y esta gratitud. Eso dice mucho de mi esposo, por eso me enamoré de él... y es probablemente por eso que lo perderé también. 

A estas alturas, no me molesté en suplicar por nuestro hijo o por mi. ¿Para qué? Sé que me ama pero necesita verse como alguien que tomó la decisión más noble, aunque inútil, como Leonidas quien sacrificó su cuerpo y su ejercito por su pueblo.

Dejé de suplicar por nosotros porque me imaginé en el futuro, en ultra-mar, allá, como tú, al amparo; visualicé  a nuestro hijo preguntándonos sobre sus abuelos. Tal vez será un niño ingrato (sobran por estas tierras, según tú) a quien le importará un carajo su linaje, lo que nos resultaría el fracaso de nuestra misión parental. Viktor e yo estamos seguros de que engendrar sin ética equivale al desastre y a la perdición. Lo digo en serio cuando afirmo que preferiría ver a nuestro hijo muerto antes que inmoral. Es nuestro deber, por lo menos es nuestro parecer, de dar al mundo seres dotados de consciencia. Quizá sea (y nos encantaría) una persona  imbuida de esta tradición que nos ha construido desde siglos y, entonces, ¿qué le diremos? "Querido hijo: Huimos dejando a tus abuelos a su suerte, sólo pensamos en ti, únicamente" Y nos dirá, si se parece a su padre (y se le parecerá): "Para qué vivir si el sentido mismo de mi existencia es intrínsecamente ligado al sacrificio de mis antepasados?  ¿Murieron para que yo pudiera nacer?  En qué medida mi vida tendría más precio? ¿Quiénes sois, vosotros mi padres, por haber juzgado la relevancia de esta decisión? ¿Os habéis acaso creído Dios? Sólo pensasteis en vosotros, en vuestro placer, vuestro confort, vuestra miserable existencia?". Qué se puede responder a esto, Trude? Te reirías pero yo, me mortificaré. ¿Cómo mirar a sus vástagos a la cara cuando sobrevivimos sin dignidad?

Rogué, pues, con otro argumento que me parecía imparable: su libro. "Si no marchamos, jamás podrás escribir tu libro, jamás buscarás ni encontrarás el sentido de la vida porque tu obra será destruida, confiscada, aniquilada. Tu misión es vivir para trasmitir el mensaje, para ayudar a la gente a encontrar su sentido".  Y fue cuando me miró a los ojos y contestó: "Tilly, ¿cómo podría predicar el sentido de la vida cuando yo mismo habría huido de mis responsabilidades? Sólo seré uno de estos profesores de universidad cobarde, llorando mi mala suerte pero feliz, a la vez, de seguir con vida, de hablar inglés y de jugar al base-ball, pero de verdad, sería un hombre como Dios manda?  Si me marcho, si partimos para Estados Unidos, tendré que renunciar a mi misión, a mi libro porque no ya podré escribir ni ayudar a nadie desde la cobardía, el egoísmo, la ignorancia. El otro día me decías que, hiciera lo que hiciera, siempre sería un privilegiado.  Me importa un pepino. Mira, sólo se predica con el ejemplo, no con las palabras o los libros; un ser humano está conforme a sus principios; no están por encima de nosotros sino que nos habitan y nos moldean. Sólo Dios nos mira desde arriba, estamos al mismo nivel que nuestras ideas y que nuestras decisiones.- Pero son los libros que vehiculan este ejemplo, contesté, estas obras que los alemanes queman porque la verdad les sobrepasa. Si no escribes, la memoria de nuestro pueblo y de Jehová no persistirá".  Tuvo entonces una respuesta típica de Kant a la cual no pude replicar: "Lo importante, no es de ser feliz, sino de ser digno de serlo, Tilly".

Fue cuando supe con certeza que este hombre al cual quiero amar, aunque se sienta indigno de vivir, con su mezquindad, su cobardía, su egoísmo, su heroicidad también, pues, este hombre jamás me podrá amar si le obligo a ir en contra de sus principios. No sé podría querer tampoco a si mismo y miraría a nuestro hijo de reojo, pensando que, en el fondo, quizá no habría valido la pena. dejaría de respetarme, de eso estoy segura, y no podría soportarlo.  ¿Para qué vivir si él que más cuenta para ti ya no te respeta? Y no hablo de este cretino de Julio Cesar cuya mujer ni siquiera podía ser sospechada (¡ya sé lo que me vas a decir!). Se trata de otra cosa: el concepto que Viktor tiene de mi se desvanecería en el mismo instante que me traicionaría a mi misma.

Entonces, este visado, este permiso tan deseado, pues, Trude, es una trampa, una tentación, para poner a prueba nuestra lealtad y nuestra coraje y, contra eso, ¿qué puedo hacer? Me describes tu vida en la periferia, cerca del campus donde vives, tu vida social y tus inquietudes norteamericanas. Tuve la debilidad de imaginarnos allá, con nuestros hijo, bendiciéndole, amando su cabello, sus mejillas, observándole, nutriéndole...   llorando el día de su partida hacia otra mujer. Sólo es polvo y cenizas. Si poseo efectivamente esta pulsión de vida (como dice Freud, que dice muchas tonterías), también poseo la pulsión de dignidad, en armonía con la de Viktor, cuya suerte escogí compartir. 

Ignoro, por lo tanto, lo que será de nosotros y de nuestro bebé. ¿Cómo debemos vivir? ¿Cómo debemos elevarnos hacia lo divino, hacia arriba? Y si no lo logramos, ¿Cómo soportar la imperfección, la falta de excelencia? Me repites que los norteamericanos que frecuentas (no quisiera generalizar) ven la vida de manera muy simplista: su felicidad, su confort, su libertad. Qué tipo de camino es ése?  ¿Qué es la felicidad? El confort es un pozo sin fondo y la libertad... pues, es la de coger el camino correcto, y no es de marchar y ¡salvese quien pueda!  Vivimos tiempos muy turbios, cerrar los ojos a la miseria es imposible. Viktor fue a la sinagoga para recogerse, volvió de allí confesándome haber oído una voz  escandiéndole "Honrarás a tus padres". ¿Qué se puede responder a eso? ¿Cómo podríamos decir a nuestro hijo que nos debe honrar si no lo hicimos nosotros? 

Circulan numerosos rumores sobre lo que es de los nuestros y de todos los que se levantan contra los nazis. Una de estas historias es bella y trágica a la vez. Cuentan que una antigua bailarina famosa murió bailando en uno de estos famosos campos. Un alemán la habría reconocido y le habría pedido de bailar para él, cosa que hizo (¿Acaso tenía elección?). Al bailar, recuperó su humanidad (por lo menos, es lo que prefiero creer) y se acercó al soldado, asió su arma y lo mató. Los demás soldados le dispararon, evidentemente, pero sigo pensando que su muerte fue humana y digna. Quiero decir que se rebeló y reencontró una chispa de libertad. No se fue al matadero como un cordero desarmado y sumiso. Es la visión que tienes de nosotros desde tu tierra lejana.. Nos ves como borregos, un rebaño tan  imbuido de su tradición que no puede deshacerse para  huir y sobrevivir.  Quizá tengas razón pero que podemos hacer? ¿Hizo bien aquella bailarina? ¿Hay que ir hacia la muerte agachando la cabeza frente a nuestro creador o intentar escaparse hacia otro país (incluso con el riesgo de perder nuestra esencia) o bien caminar la cabeza bien alta, bailando?  Probablemente sea la única pregunta que cuenta de verdad, ya que la muerte es nuestra única certeza en este mundo.

Espero tus noticias como siempre.

Siempre tuya,

Tilly


Nota de la autora: Tilly Grosser, esposa del renombrado psiquiatra Viktor Frankl, fue enviada a un campo de concentración en septiembre del 1942 y no pudo llevar su embarazo hasta el final. Murió duranta la liberación del campo de Bergen- Belsen, aplastada por la multitud. Su familia política desapareció enteramente en los campos de concentración. Solo su marido sobrevivió y continuó  buscando el sentido de la vida.  




martes, 8 de marzo de 2022

Pourquoi je suis encore amoureuse de Pierce Brosnan...

 8 mars 2022

"Il est difficile d'être une femme:

Il faut penser comme un homme,

Avoir la dignité d'une dame,

Ressembler à une jeune fille


Et travailler comme un cheval"

Allez les nenettes, j'espère vous remonter le moral en ce 8 mars. Je vais vous révéler un de mes secrets d'ado:  j'avais 12 ans lorsque je suis tombée amoureuse de Pierce Brosnan. Ça n'a rien de bien original, je vous l'accorde. Ce qui est plus inquiétant, c'est que je vais en avoir 48 et que ça continue (je vous laisse le soin d'épiloguer sur ma santé mentale, mon érotomanie et ma tenacité). 

J'ai flashé sur lui pour son physique, bien sûr. C'est ce qu'on voit en premier chez quelqu'un, inutile de vous le dire. J'ai continué à le zieuter malgré les séries nunuches et les James Bond, que je déteste. Je l'ai surtout admiré pour son combat et sa loyauté envers sa femme de l'époque, décédée d'un cancer (c'est mon côté fleur bleue) . J'ai bavé devant son rôle dans un film de Polanski, The Ghost Writer. Au fil du temps, son plus grand rival (mon mari) m'a même fait remarquer (bon prince) qu'il ne se prenait pas trop au sérieux (Pierce, pas Lluis!).

Et cela fera donc bientôt 36 ans je suis sous le charme de ce mec, malgré sa vieillesse, sachant qu'il n'en a rien à foutre de ma personne, malgré ses rôles pas toujours judicieux, malgré le fait qu'on l'ait engagé plus pour son physique que pour son talent... et c'est là où je veux en venir: il y a 20 ans, Pierce s'est remarié avec une journaliste, belle, brune, mince. Aujourd'hui, cette journaliste est toujours fièrement à ses côtés, mais plus du tout mince. Et c'est là que j'aime encore plus Pierce Brosnan, que je réitère mes voeux de fans devant vous, les meufs, surtout celles qui se trouvent moches et grosses, pas assez ci, trop ça... (en fait, toutes les meufs, quoi!) : il a les couilles de continuer à défendre son épouse avec 40 kilos en trop (selon la norme acceptée par les hommes et par les femmes) et ce malgré les attaques dirigées contre elle sur les réseaux sociaux. Loin de moi l'idée d'en faire un héros genre "Regardez le service qu'il lui rend, à cette grosse, de l'honorer de sa présence, ça fait bien dans les journaux". Juste vous rappeler à toutes que si un mec (ou une femme) a le culot de vous reprocher votre physique ou votre âge ou votre façon de vous habiller, à part le "Quoi ma gueule?" de Johnny, vous pouvez lui parler de Brosnan et de sa chère et tendre (Vous pouvez aussi lui parler de Macron mais on risque de vous emmerder pour des raisons qui n'ont rien à voir avec ça, c'est risqué, quoi!). Nous sommes dans un monde où l'on villipende les nanas pour des tas de raisons, et nous sommes, nous les femmes, les premières à le faire... il est bon de rappeler cependant que certaines personnes publiques, tributaires et dépendantes de leur image (plus que nous, veux-je dire) nagent heureusement à contre-courant.

Pierce trouve sa femme magnifique et, surtout, ELLE apparaît fièrement à ses côtés dans les magazines qui ne prônent qu'un unique modèle de beauté, parce que, finalement... on s'en bat les c----:  prenez-en de la graine!



domingo, 10 de mayo de 2020

"Aimer, c'est avoir quelqu'un pour qui mourir" Sénèque

 "Je me couperais les veines pour lui sans hésiter une seconde" (Denise, deux enfants)
Bon nombre de  mamans ont témoigné durant le processus de ce livre et ces témoignages étaient souvent émouvants. N'empêche que la phrase qui m'a, depuis le début, fait le plus frissonner est indéniablement celle-ci, alors qu'elle n'est même pas un témoignage pensé mais bien un commentaire spontané lancé dans une conversation informelle. J'avoue n'avoir pas trouvé de paroles similaires lors des témoignages "réfléchis", ce qui me laisse penser qu'il doit s'agir d'un mouvement du coeur, spontané donc, très impulsif et somme toute naturel. Je me suis donc permise de le prendre d'une conversation à bâton rompus que j'ai eue avec une cousine il y a des années.
Une professeur de sociologie à l'époque nous avait de même interrogé: "Qu'est-ce que nous ferions sans hésiter pour nos petits?". Face au silence d'un auditoire sans enfants, elle lança "Mourir, bien sûr!".
Une fois parents, ça tombe sous le sens... je suppose.
Rosa Montero, écrivaine espagnole, sans enfant, s'explique: "... procréer est un pas de la maturité physique et psychique: seul cet amour absolu permet de vaincre l'égoïsme individuel qui te fait mettre ta propre intégrité au-dessus de tout. Je veux dire que les parents sont capables de mourir pour leurs enfants: c'est un commandement génétique, un recours de survie de l'espèce, mais aussi un mouvement du coeur qui te rend plus complet, plus humain. Ceux qui n'ont pas d'enfants, nous n'arrivons jamais à grandir à ce point."
Faut-il que cet amour soit fanatique, fort, ineffable et absolu pour accepter de mourir pour la bonne cause?
Bien, mais lorsque l'on dit que l'on donnerait sa vie pour sa progéniture, ce qui me paraît louable et "naturel", doit-on par ailleurs leur seriner le sacrifice que l'on ferait pour eux? Avoir à le faire, c'est une chose (tragique mais cohérente) par contre le dire, c'est ouvrir la porte à une éventuelle culpabilisation de ses enfants, comme s'ils étaient responsables de ce sacrifice extrême, comme si l'amour qu'on leur porte était un poids et non un tremplin.
De même, et ce n'est pas si paradoxal, je me souviens avoir entendu Ingrid Betancourt
parler de son calvaire aux mains des FARCS et de l'envie qu'elle en avait de fuir et d'assumer également les conséquences, éventuellement mortelles, de ses tentatives. Elle a dit "Le suicide... je l'ai toujours rejeté parce que c'était rechercher la mort pour la mort alors que j'avais deux enfants". Comme si être mère était à la fois donner éventuellement sa vie pour son bébé mais ne pas se l'ôter aussi, pour le bien de son bébé, toujours.
Inutile de s'étendre davantage sur le commentaire de Betancourt. Etre parent, c'est comme être forcé à vivre, forcé à ne pas mourir mais avec l'idée constante que l'on pourrait donner sa propre vie pour faire vivre cet enfant. Equilibre précaire car comment sait-on jamais si l'on fait bien de vivre courbé et soumis pour préserver sa famille ou de se rebeller? Gioconda Belli le dit bien lorsqu'elle évoque sa tumultueuse existence que c'était comme un devoir pour le futur de ses enfants que de lutter contre la dictature au Nicaragua, de donner à ses filles un pays meilleur, même si elle devait perdre la vie dans cette lutte.
La progéniture nous ramène toujours à la nécessité de vivre pour en prendre soin, ou celle de disparaître pour leur bien aussi, ça se discute. Me revient en mémoire le personnage de Meryl Streep dans Kramer contre Kramer, qui abandonne son fils parce qu'elle ne se sent pas digne d'être maman, elle pense réellement qu'il sera mieux sans elle.  La même question se pose également pour ceux ou celles qui s'ôtent la vie avec des enfants en bas âge ou qui les abandonnent dans un moïse.
Au-delà de toutes ces considérations, donner la vie, c'est aussi donner la mort en quelque sorte. Non pas que l'on tue ses petits (c'est heureusement assez rare) mais, en leur donnant naissance, on les rend forcément mortels. Cela peut paraître d'une évidence crasse, j'entends, mais je voudrais souligner qu'il m'arrive souvent d'y penser: mettre au monde, à part le bonheur indicible de créer une nouvelle existence, c'est aussi y ajouter une nouvelle mort, de nouvelles souffrances et deuils, des ruptures et des blessures. Lorsqu'on l'on observe ce verre à moitié vide, on peut effectivement se sentir oppressé car, au fond, quelle folie!
Je souligne cela, bien que ce soit déprimant, parce que, souvent, lorsqu'on veut procréer, on pense à court terme: le nourisson charmant, tout rose qui vous sourit et l'on se projette rarement dans le futur et dans les conséquences de nos actes, la mort, la décrépitude, la douleur. On a raison, sinon, on n'engendrerait jamais, c'est un fait. N'empêche, y penser de temps à autre est primordial aussi, je pense (et ceci dit sans aucune intention de vous déprimer!).
Je terminerai ces réflexions par les paroles de Montero: "Moi, je ne mourrais pour personne. C'est dommage".

sábado, 25 de mayo de 2019

Get up, stand up!

Get up, stand up!En ce jour de réflexion, quelques réflexions personnelles.
Cette version d’Arno, que je préfère mille fois à l’autre, pour faire passer ces quelques mots :
L’autre jour, un élève m’a demandé si j’aimais la politique. Je lui ai répondu ceci « Je ne crois pas en ce système et je pense que nous devons trouver des moyens de le détruire et d’en reconstruire un meilleur. Ça ne veut pas dire décapiter qui que ce soit, ça veut s’organiser pour changer ce qu’il y a à changer »
Ça peut sembler désabusé mais je ne crois pas en la politique telle que nous la concevons. Je pense qu’il faut changer le paradigme, notre façon de penser et de faire. Loin de moi l’envie de mépriser mes nombreux amis qui se lancent en politique (je les trouve par ailleurs très courageux) mais je pense que le système doit être balayé. Voilà pourquoi je ne suis pas en faveur des élections non plus (je vous renvoie au très bon essai de David van Reybroeck, Contre les élections).
Je suis persuadée (à tort, peut-être), comme Renaud, que « Si les élections, ça changeait vraiment la vie, il y a longtemps, mon colon, que voter, ça serait interdit »). Non pas que je nie les progrès de notre (prétendue) démocratie (Coluche disait « La dictature, c’est ferme ta gueule ; la démocratie, c’est cause toujours) et la paix que cela nous a apporté en Europe. Je ne suis pas aveugle. N’empêche… Je remarque que, au cours de l’histoire de l’humanité, chaque fois que l’on nous a octroyé un droit (celui de voter, ceux des femmes, l’éducation etc.), ça a été pour ne le retirer de l’autre main. Le droit (l’obligation en Belgique) de voter est l’obligation ou le droit de se faire entuber (il y a un autre mot qui me vient à l’esprit mais il est grossier) légalement. Si au moins c’était Pierce Brosnan au gouvernement, je dois dire que je me laisserai sans doute tenter, mais bon, vu le panorama, pas de quoi fouetter un chat.
L’on vous donne le droit de vous exprimer pour en faire du papier mouillé, on vous dit de voter pour vous manipuler et vous confondre ; on dit aux femmes que nous avons les mêmes droits et que nous pouvons travailler à l’extérieur, la belle affaire : on travaille donc 4 x plus que les hommes pour un salaire moindre et on en est fière, en plus. L’éducation obligatoire (mon cheval de bataille pour ceux qui me connaissent) est devenue parfois, hélas, une belle façon de faire des gens de la chair à canon sans esprit critique (bien que ce soit, on ne se refait pas, le seul élément auquel je continue à croire). C’est Huxley qui a le mieux décrit cet état de fait : « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude”. Dois-je soupirer en pensant au Pan et circensem romain  ou à Georges Orwell? 
Mon élève, toujours “Oui, mais le système, s’il n’est pas parfait, est le meilleur que l’on ait eu”. Là, je dis “peut-être” mais ne nous contentons pas d’un moindre mal et puissions-nous aller vers le mieux.
Les exemples sont nombreux, je ne vous cacherais pas que je suis éreintée rien qu’à y penser. Ça ne fait pas de moi quelqu’un d'amer (dieu m’en garde). Simplement, je pense que l’organisation plus horizontale et les assemblées peuvent faire à petite échelle un meilleur travail plutôt que la mégalomanie de nos états derrière lesquels se cachent les multinationales.
Donc, c’est dit : GET UP , STAND UP, DON’T GIVE UP THE FIGHT pour l’esprit critique, la conscience et la lucidité.
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde » Mahatma Gandhi.

lunes, 12 de noviembre de 2018

De bonne guerre.

Ces jours-ci, il est de bonne guerre de rappeler les peines et douleurs occasionnées par la fameuse "grande guerre", terrible adjectif, dans le fond.
Personnellement, je songe  au Dormeur du Val de Rimbaud, je chantonne le Déserteur de Vian, je pense à cette horrible concubine de l'hémoglobine et les drames qu'elle occasionne, invariablement. Je pense à ceux qui sont morts pour la patrie, les pieds dans la boue et la peur au ventre (j'imagine) et qui ont été purement et simplement  de la chair à canon.
À cette occasion, je me suis remémorée mon arrière grand-père, parmi les premiers à être tomber au front à 28 ans. Je pense à son fils posthume qui a souffert de ne pas l'avoir connu et qui a dû aussi combattre les allemands en 40. Je pense à sa veuve qui a dû enfanter seule et élever ses enfants orphelins. Et je pense à tous les autres, bien sûr.
Mort pour la patrie... avec ses quatres belles médailles. Ça nous fait une belle jambe. J'ignore ce que veut dire "mourir pour la patrie" et je me garde bien d'essayer de le savoir. Mon pays, même si j'en apprécie bien des aspects, n'est pas plus important que ma vie.
Cela dit, en parlant de ça avec mon époux, je me suis tout de même identifiée avec les combattants qui se défendent d'une brutale invasion, au contraire d'un envahisseur, dont les motivations seraient plus douteuses et largement moins héroïques.
Par ailleurs, l'on commentait des anecdotes tragi-comiques à propos d'un soldat "envahisseur" qui avait par deux fois changé de bord et qui avait, grâce à cela, sauvé sa peau. Pas très patriotique tout ça, mais au moins, il est mort dans son lit, dit mon mari. "Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente", comme disait qui vous savez.
J'entends mon fils cadet qui fredonne Malbrouck s'en va en guerre et qu'il identifie totalement avec son aïeul et je souris aussi en pensant au sens de cette expression "tu peux chanter Malbrouck", qui nous rappelle la vanité de l'existence.
Je me souviens de mon aîné qui, alors que je lui lisais les exploits d'Achille et sa mort dénommée glorieuse, me disait "Il est mort plein de gloire et d'orgueil mais jeune. Moi,  je préfère vivre normalement, sans victoire".
Je paraphrase  Woody Allen "Je suis un lâche militant. Quelle est la différence entre être gouverné par le tsar ou par Napoléon, à part que Napoléon est plus petit?".
Bref, de guerre lasse, j'ignore totalement qui a raison,  moi qui suis incapable de regarder un film bellique ou lire une roman sur ce sujet si je veux éviter l'insomnie; moi qui, tous les ans, dois demander à mon époux de me raconter encore une fois les causes de la guerre de 14, parce que je les oublie toujours.
Le seul livre que je relis fréquemment à ce propos est celui d'André Maurois, Les silences du colonel Bramble qui me semble un bijou de sagesse et que je vous recommande.
Voilà, je peux juste espérer qu'on n'éduque pas nos gosses comme de la chair à canon mais plutôt comme des êtres qui ont le choix, réellement, de ne pas voter pour des gens incapables de régler leur problèmes en parlant et qui en envoient d'autres mourir pour se remplir les poches. Ce sont eux les lâches militants. Un jeu de cons, un jeu d'hommes de pouvoir et sans couilles. S'ils étaient si malins, ils trouveraient des solutions, pas des batailles.
Je laisse la parole à ma chère grande-tante Simone, et c'est de bonne guerre car elle en avait vécu  deux, de guerres et savait de quoi elle parlait quand elle évoquait toujours ces soldats allemands qui occupaient Marchin. Parmi eux, l'un pleurait chaque fois qu'il voyait les frères et soeurs de ma grande-tante parce qu'il était aussi séparé de sa famille et cela l'émouvait de voir cette petite troupe, il ignorait alors s'il allait les revoir et n'avait aucune envie d'être là. Ma tante concluait toujours son discours par "Tu vois, Isabelle, quel que soit le camp, la majorité des soldats ne veulent pas être là. Au bout du compte, nous sommes tous humains".

miércoles, 7 de marzo de 2018

Journée des Femmes, des questions sans réponses.

8 mars, journée internationale des femmes.
"Un pour tous, tous pourris, 
Faut pas qu'on nous pousse 
Ou on sème la zizanie" chantait Zazie.
Mon billet coup de gueule annuel, donc.
Pourquoi nous différencier tant, de fait?
Le temps pour pleurer et se plaindre devrait être révolu.
L'on continue à déplorer le machisme (à raison) mais que fait-on contre, à part mordre et vociférer pour les jeunes générations? Chaque mère (et chaque père) a le devoir (que-dis-je, l'obligation) de donner un modèle plus équitable à sa progéniture afin de l'aider à casser cette spirale vicieuse de la guerre des sexes, du mépris ancestral et de l'affrontement et de la soumission.
Je ne prétends pas avoir la panacée mais je me pose quelques questions quand même.
Perso, je lis beaucoup.  C'est grâce aux livres que j'ai pu mettre le doigt sur cette guerre des sexes, sur ce pseudo-déterminisme affligeant qui victime la femme à outrance et la rend hargneuse et vindicative. Ça m'a aidée à apprendre que le rôle que la société nous octroie n'est pas toujours le chemin qui nous convient. Pourquoi, par exemple, ne fait-on pas lire la journaliste Colette Dowling et son Mythe de la Fragilité à toutes les filles au lieu de les éduquer comme des princesses faibles et capricieuses ou comme des vierges inaccessibles?  Pourquoi ne met-on pas en valeur des Boadicée ou Jeanne d'Arc au lieu de regarder les Alexandre le Grand et Jules César? Pourquoi traite-t-on des femmes comme Cléopâtre et Hatshepsout comme des usurpatrices? Pourquoi n'enseigne-t-on pas aux filles l'autodéfense, le sens de la répartie ou de l'humour quand elles sont embêtées ou harcelées? Pourquoi les maisons d'édition comptent-elles sur le fait que les hommes lisent exclusivement des auteurs masculins tandis que les gonzesses lisent des oeuvres de nanas? Pourquoi sommes-nous toujours dans une société qui n'enseigne pas à ses jeunes à dire non, à reconnaître leurs vrais désirs et à respecter ceux des autres? Au-delà de ces interrogations pèle-mèle, ce que je dis des jeunes filles est d'ailleurs totalement valable pour les garçons, la problématique est identique, de fait, et c'est là où je veux en venir.
C'est grâce aux livres que j'ai appris que les hommes avaient une sensibilité, des sentiments et d'autres rêves que ceux de nous emmerder, nous, les meufs. Vous le dit quelqu'un qui est née en pensant que les mecs étaient des intrus habitant un continent noir. bardé de murs et sans aucun pont ni espoir. La vie, heureusement, a balayé ces inepties, la vie et surtout les livres.
De grâce, lisez davantage! Lisez Flaubert ("Madame Bovary, c'est lui"); regardez Eric Rohmer et son Rayon Vert ("Delphine, c'est lui"), lisez Zola et Proust (Albertine, c'est nous); analysez de Beauvoir (Simone, c'est ma chienne), écoutez Renaud et son Miss Maggie; lisez Tristan et Yseult comme une grande leçon sur les rôles imposés; feuilletez Jean Markale et ses essais érudits; écoutez Zazie; lisez Anaïs Nin ou Henry Miller; étudiez l'Egypte Antique et son égalité des sexes; lisez Edgar Morin, qui vous parle de la complexité du chemin; lisez Bauman qui vous parle des incertitudes du monde liquide. Vous finirez par entrevoir que l'homme et la femme sont sur le même bâteau (possiblement dans des classes différentes, mais pas toujours). Mon pessimisme vous dirait "Deux âmes esseulées avec les mêmes inquiétudes existentielles, séparées par une société qui les veut affrontés par peur de ce que pourrait donner de les voir marcher ensemble". Parce qu'il est plus facile de dépeindre et éduquer les gamins comme des bourreaux violeurs et violents que comme des chevaliers servants; parce qu'il est aisé d'élever les gamines comme des poupées de cire et de son prises dans le tourbillon des opérations chirurgicales, de la perte de poids et de la peur du mâle au lieu d'en faire des femmes responsables. Rambo contre Barbie et pendant ce temps, on se fout bien de notre gueule.
Je ne suis pas aveugle, je vois les différences entre hommes et femmes, si certaines m'amusent, d'autres me débectent. Certaines sont innées, d'autres acquises et je n'entrerai pas dans le débat. Cependant, je trouve que la comédie a assez duré et qu'il faut également se concentrer sur les points communs si l'on désire avancer un brin.
Lorsque j'ai souligné au début ma solidarité féminine, je tiens à préciser, ne vous en déplaise, que le sort des hommes exploités est tout aussi déplorable mais ceci, ce sera pour un autre article consacré à la journée des hommes (tous les autres jours, donc, sans rancune, messieurs).
Bref, je suis Madame Bovary et Don Quichotte, je suis Sancho Panza et Boadicée. Que suis-je encore? Un être ambivalent et complexe, et ça ne devrait pas être perçu comme un problème mais comme une richesse. Et, de grâce, acceptez-le en vous et en vos enfants aussi!
Je vous laisse sur ce coup de gueule, mon sexe faible est éreinté. À l'année prochaine, donc et je vous dis (merci Zazie!): "Aux hommes qui nous aiment, ensemble marchons, et au diable les autres".
Isabelle Toussaint, 7/3/2018