lunes, 12 de noviembre de 2018

De bonne guerre.

Ces jours-ci, il est de bonne guerre de rappeler les peines et douleurs occasionnées par la fameuse "grande guerre", terrible adjectif, dans le fond.
Personnellement, je songe  au Dormeur du Val de Rimbaud, je chantonne le Déserteur de Vian, je pense à cette horrible concubine de l'hémoglobine et les drames qu'elle occasionne, invariablement. Je pense à ceux qui sont morts pour la patrie, les pieds dans la boue et la peur au ventre (j'imagine) et qui ont été purement et simplement  de la chair à canon.
À cette occasion, je me suis remémorée mon arrière grand-père, parmi les premiers à être tomber au front à 28 ans. Je pense à son fils posthume qui a souffert de ne pas l'avoir connu et qui a dû aussi combattre les allemands en 40. Je pense à sa veuve qui a dû enfanter seule et élever ses enfants orphelins. Et je pense à tous les autres, bien sûr.
Mort pour la patrie... avec ses quatres belles médailles. Ça nous fait une belle jambe. J'ignore ce que veut dire "mourir pour la patrie" et je me garde bien d'essayer de le savoir. Mon pays, même si j'en apprécie bien des aspects, n'est pas plus important que ma vie.
Cela dit, en parlant de ça avec mon époux, je me suis tout de même identifiée avec les combattants qui se défendent d'une brutale invasion, au contraire d'un envahisseur, dont les motivations seraient plus douteuses et largement moins héroïques.
Par ailleurs, l'on commentait des anecdotes tragi-comiques à propos d'un soldat "envahisseur" qui avait par deux fois changé de bord et qui avait, grâce à cela, sauvé sa peau. Pas très patriotique tout ça, mais au moins, il est mort dans son lit, dit mon mari. "Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente", comme disait qui vous savez.
J'entends mon fils cadet qui fredonne Malbrouck s'en va en guerre et qu'il identifie totalement avec son aïeul et je souris aussi en pensant au sens de cette expression "tu peux chanter Malbrouck", qui nous rappelle la vanité de l'existence.
Je me souviens de mon aîné qui, alors que je lui lisais les exploits d'Achille et sa mort dénommée glorieuse, me disait "Il est mort plein de gloire et d'orgueil mais jeune. Moi,  je préfère vivre normalement, sans victoire".
Je paraphrase  Woody Allen "Je suis un lâche militant. Quelle est la différence entre être gouverné par le tsar ou par Napoléon, à part que Napoléon est plus petit?".
Bref, de guerre lasse, j'ignore totalement qui a raison,  moi qui suis incapable de regarder un film bellique ou lire une roman sur ce sujet si je veux éviter l'insomnie; moi qui, tous les ans, dois demander à mon époux de me raconter encore une fois les causes de la guerre de 14, parce que je les oublie toujours.
Le seul livre que je relis fréquemment à ce propos est celui d'André Maurois, Les silences du colonel Bramble qui me semble un bijou de sagesse et que je vous recommande.
Voilà, je peux juste espérer qu'on n'éduque pas nos gosses comme de la chair à canon mais plutôt comme des êtres qui ont le choix, réellement, de ne pas voter pour des gens incapables de régler leur problèmes en parlant et qui en envoient d'autres mourir pour se remplir les poches. Ce sont eux les lâches militants. Un jeu de cons, un jeu d'hommes de pouvoir et sans couilles. S'ils étaient si malins, ils trouveraient des solutions, pas des batailles.
Je laisse la parole à ma chère grande-tante Simone, et c'est de bonne guerre car elle en avait vécu  deux, de guerres et savait de quoi elle parlait quand elle évoquait toujours ces soldats allemands qui occupaient Marchin. Parmi eux, l'un pleurait chaque fois qu'il voyait les frères et soeurs de ma grande-tante parce qu'il était aussi séparé de sa famille et cela l'émouvait de voir cette petite troupe, il ignorait alors s'il allait les revoir et n'avait aucune envie d'être là. Ma tante concluait toujours son discours par "Tu vois, Isabelle, quel que soit le camp, la majorité des soldats ne veulent pas être là. Au bout du compte, nous sommes tous humains".